D’origine japonaise, le terme «tsunami» est souvent employé pour désigner une série de vagues de grandes amplitudes. Le glossaire sur les tsunamis des Nations Unies définit ce phénomène ainsi :
« Série d’ondes de longueur et de période extrêmement grandes, généralement provoquées par des perturbations liées au déclenchement de séismes, sous le fond de la mer ou à proximité, également appelées vagues sismiques et, improprement, raz-de-marée. Une éruption volcanique, un glissement de terrain sous-marin ou un éboulement côtier peuvent aussi provoquer un tsunami, de même que la chute d’une grosse météorite dans la mer » (COI, 2013).
Péroche (2016), dans sa thèse aborde la vie d’un tsunami en trois « temps » distincts, reliés entre eux au cours de l’événement :
Les tsunamis sont générés par la libération d’un train d’onde (de source variable) dans la masse d’eau océanique.
Les sources géodynamiques sont les plus communes. Il peut s’agir de séismes, de glissements de terrain et d’éruptions volcaniques sous-marines. Les effets associés à une éruption volcanique peuvent eux aussi déplacer la masse d’eau (effondrement de caldeira sous-marine, coulée pyroclastique, lahar, glissement de flanc, etc.).
Plus rares, les chutes de météorites dans l’océan peuvent générer un tsunami.
Une fois générée, l’onde provoque une déformation du plan d’eau qui se propage dans toutes les directions. A ce stade les notions de période, longueur d’onde et amplitude entrent en compte.
Les vitesses et hauteurs du tsunami sont directement influencées par son environnement.
« Au large, l’amplitude initiale de l’oscillation en surface ne dépasse pas quelques dizaines de centimètres. Le phénomène est alors imperceptible pour les navires en mer. Sa période varie de plusieurs minutes et sa longueur d’onde peut dépasser 200 km (Lavigne et Paris, 2011). En fonction de l’énergie initiale libérée et de la profondeur de la colonne d’eau, un tsunami peut parcourir de très grandes distances à une vitesse dépassant les 900 km/h » (Péroche, 2016).
L’arrivée du tsunami se concrétise par un débordement de l’océan sur des espaces habituellement exondés. L’eau pénètre avec violence à l’intérieur des terres, jusqu’à atteindre une hauteur maximale appelée run-up. Plusieurs vagues sont possibles avant un retour à la normale du niveau de la mer. On mesure la submersion au moyen de trois paramètres (Péroche, 2016) :
La profondeur du tsunami après déferlement,
Sa distance de pénétration dans les terres,
L’altitude maximale des run-ups.
C’est à ce stade que l’événement devient le plus dangereux pour l’homme. L’impact se traduit souvent par des pertes humaines et des dégâts matériels importants.
Plusieurs approches sont employées pour identifier la menace tsunami d’un territoire. Nous détaillons ici celles qui ont permis de dresser les hypothèses d’évacuation aux Antilles françaises.
L’approche historique se base sur l’étude des événements passés. Ils donnent un aperçu du potentiel tsunamigène d’un bassin océanique.
« La connaissance des événements historiques est indispensable à l’évaluation des risques présents et futurs. Il s’agit d’une étape préliminaire fondamentale, notamment pour estimer des périodes de retour, modéliser le phénomène ou encore déterminer des degrés d’exposition (Leone et al., 2010). Leur compilation prend généralement la forme de catalogues (numériques) qui répertorient les événements passés connus. Il s’agit de statistiques renseignées selon des paramètres quantitatifs et qualitatifs (intensité, magnitude, localisation, impact) sur des phénomènes survenus au cours de la plus longue période d’activité possible » (Péroche, 2016).
Plusieurs catalogues historiques ont été confrontés pour la Caraïbe (Péroche, 2016) :
« Les nombreux catalogues historiques qui concernent cette région, répertorient plusieurs dizaines d’événements entre 1498 et aujourd’hui. Le nombre de tsunamis ayant impacté les côtes des territoires caribéens renseignés par au moins une valeur de run-up est compris entre 21 (Lander et al., 2002) et 44 événements d’après la NGDC. D’après Zahibo et Pelinovsky (2001), 24 tsunamis auraient impacté les Petites Antilles. L’événement le plus récent ayant entrainé des victimes (au moins trois) est celui survenu à la suite du séisme dévastateur de décembre 2012 en Haïti (Fritz et al., 2013). L’événement le plus meurtrier reste celui de 1946 en République Dominicaine avec plus de 1 800 victimes (NGDC). Sur la même période, le nombre de décès liés aux tsunamis dans le bassin de la Caraïbe est compris, selon les sources, entre 2 564 (NGDC) et 15 843 (Harbitz et al., 2012) individus » (Péroche, 2016).
Il convient de compléter les données historiques par d’autres sources pour fiabiliser les témoignages et enrichir les catalogues. Par exemple, l’étude des dépôts de tsunamis est un moyen de mettre en évidence des événements jusqu’alors inconnus sur des pas de temps plus long.
L’intérêt d’un modèle est de simuler des scénarios probables de tsunami. Ils fournissent des calculs de temps de parcours du tsunami, des directions de propagation, des amplitudes des vagues, des modélisations d’inondation à terre.
Le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) a débuté en 2007 un travail de modélisation de la menace pour les Antilles françaises (Pedreros et al., 2007). Au total 13 modélisations numériques ont été réalisées, de la génération à l’impact du tsunami.
Parmi elles, 10 ont une source d’origine sismique locale et trois sont provoquées par un mouvement de terrain aérien, engendré par une crise volcanique. Trois de ces scénarios sont inspirés d’événements passés avérés permettant de calibrer le modèle. De plus, 18 scénarios de tsunamis modélisés par le Pacific Tsunami Warning Center (PTWC) ont été ajoutés au modèle. A titre indicatif, la valeur maximale de hauteur d’eau modélisée à la côte pour la Martinique est de 6.1 mètres pour un événement de source locale (de magnitude de moment 8.4 Mw).
Les données historiques et les résultats des modèles disponibles ont permis de dresser des hypothèses d’évacuation pour les Antilles.
En accord avec les autorités locales (EMIZA et SIDPC Martinique), tout secteur littoral d’altitude inférieure ou égale à 10 mètres doit être considéré comme une zone de danger à évacuer. Cette valeur guide a été retenue pour l’ensemble des îles. Elle majore les run-ups historiques et les résultats des modèles numériques. Elle ne correspond pas à un zonage d’aléa et sera susceptible de s’affiner grâce à l’apport de nouvelles hypothèses scientifiques.
Les Antilles françaises sont couvertes par un système d’alerte tsunami (CARIBE/EWS). On peut distinguer deux phases dans le cheminement de l’alerte :
Elle repose sur l’interprétation de données géophysiques transmises par des réseaux d’observation en temps réel. Il s’agit :
Une analyse automatisée et envoyée aux Tsunami Service Provider (TSP) en charge des réseaux instrumentaux 24h/24 et 7j/7. Ils émettent dans des délais très courts (inférieurs à 15 minutes) des bulletins d’information de début et de fin d’alerte.
En France, ces avis sont transférés au « Point Focal » Météo-France, intermédiaire en charge de prévenir les préfectures.
Une fois réceptionnée au niveau départemental, l’Etat a la responsabilité de diffuser l’alerte aux populations. En fonction de la menace, le préfet active le Centre Opérationnel Départemental (COD), cellule en charge de la gestion de crise. L’alerte est transmise via plusieurs systèmes de communication. Les communes déclenchent alors leur Poste de Commandement Communal (PCC).
A ce stade de l’alerte, les populations doivent évacuer pour se mettre en sécurité.
Sur le littoral, il est important de rester attentif aux signes précurseurs d’un tsunami. Ils permettent souvent d’anticiper l’alerte officielle. Il peut s’agir :
En cas d’alerte ou de signe précurseur, évacuez le littoral à pied vers les hauteurs à une altitude supérieure à 10 mètres. Des sites refuges sécurisés et connus des autorités y sont établis.
GIRRES J. F. LEONE F. PEROCHE M. GUSTAVE G. GHERARDI M. (2018): Analysis of tsunami evacuation maps for a consensual symbolization rules proposal, International Journal of Cartography, DOI: 10.1080/23729333.2018.1440711